Je devrais pas

=> Je devrais vraiment pas.

Me poser toutes ces questions sans réponse. Je devrais pas me demander si il va m'aimer toute ma vie. Je devrais pas me demander si aimer toute une vie est possible. Je devrais pas me demander si je serai mère un jour. Je devrais pas me demander si j'en aurai envie. Je devrais pas me demander si oui ou non et pour la dernière fois, Lili, je veux me marier. Je devrais pas me demander si quelqu'un lira mon livre que j'arrive pas à commencer un jour. Je devrais pas me demander pour qui je me prends à penser que tout ce que j'écris vaut la peine d'être lu. Je devrais pas me demander ce que les gens trouvent à ces 3 ans de blog. Je devrais pas me demander si ma place véritable est dans la poubelle ou dans les toilettes.

Je ne devrais pas non plus me dire que mon écharpe ne va pas avec mon sac. Je ne devrais pas me demander si j'ai fait ou dit quelque chose qui aurait plus blesser quelqu'un. Je ne devrais pas m'en vouloir d'avoir éventuellement pu blesser quelqu'un. Et certainement pas quand ce quelqu'un ne m'a rien dit. Je ne devrais pas me demander ce que ces gens dans le tram pensent de moi. Je ne devrais pas me demander quand je vais traverser une phase d'euphorie ou une phase de dépression. Je ne devrais pas m'en vouloir d'avoir laissé brûler le rôti. Je ne devrais pas me dire que je dois tout à tout le monde. Je ne devrais pas m'obliger à la perfection. Je ne devrais pas m'arrêter à des dilemmes irrésolvables. Je ne devrais pas.

Seulement je. Fais, suis, pose, m'interroge, me force à choisir, m'imagine, vis, sens, ressens, invente, fais semblant, camoufle et me débats. M'angoisse, me fustige, me flagelle, me contrains ( à ou à ne pas).
Je suis ambivalente. J'aime et je n'aime pas. Ca change dans la minute. Et choisir est impossible. Je suis angoissée par tout et par rien. Ca change dans la minute. Je suis à la fois secrète et franche, perdue et déterminée. Je suis exigeante et paresseuse, impatiente et lente. Je suis uni- et équi-voque.  Je me fatigue et ne trouve pas mon bouton "stop".  Je me vis  à la fois de l'extérieur et de l'intérieur. Je me voudrais discrète, posée, calme et réfléchie alors que je suis incapable de tenir ma langue voire de finir une phrase. Je me voudrais cultivée et sage. Je me voudrais adulte, épanouie, accomplie et sereine. Je suis femme-enfant, inquiète, terrifiée et aux aguets. Je me voudrais Autre. Et aucun des Autres qui sont en moi ne me conviennent.
Je fais semblant. De savoir où je vais, ce que je veux, quand je le veux. Alors que la seule chose dont je suis sûre c'est que dans cinq minutes, ce qui me réjouissait m'angoissera, ce à quoi j'aspirais me dégoutera, ce que je détestais me plaira. Je fais semblant d'être légère et amusante. Je fais semblant de ne pas me prendre au sérieux. Je fais semblant d'être normale. Je peux pleurer sous un fou-rire. Embrasser en haïssant. Dévaloriser en aimant. Faire fuir ce qui m'est essentiel. Rejeter ce qui m'est vital. Par orgueil, peur, défi, vengeance ou amour.

La vérité est que tout ceci n'est pas grave. Futile. Léger. Qu'ailleurs, il y a pire et vraiment préoccupant. Que ce livre qui ne s'écrit pas n'est pas très important. Que ce blog qui n'est pas alimenté aussi souvent que je le voudrais n'a pas besoin d'être lu et apprécié. Que tout le monde se fout de moi, de mon pull, de l'assortiment entre mon écharpe et mon sac. Que je ne dois rien à personne si ce n'est d'être moi-même (à ceci près que "je" est plusieurs dans mon cas).Que tout à une fin. Et heureusement. Et la plus grande vérité de toutes est que tout ceci est une vaste blague. Dont je ne comprends pas la chute.
Comme un immense moment de solitude.