Je suis arrivée
=> Au point que je redoutais.
Au bord du gouffre. Je
suis là, pieds joints, sur le bord de ma falaise. L'immense inconnu de
mon inconscient est à mes pieds. Tout au fond, là-bas, au fond de
l'abysse gît le monstre. Dont je ne connais que les effets sur la
croute terrestre de ma vie. Je me promène depuis longtemps sur la route
côtière des bords de falaises... J'y ai traversé des saisons et des
saisons de relations ... Des étés furtifs, des automnes pluvieux, de
longs hivers froids et des printemps éphémères. J'ai admiré le
paysage, me suis approché du gouffre, j'ai même parfois regardé au
fond. Je n'y ai vu que des profondeurs effrayantes. Maintenant, j'y
suis. Au bout du chemin. Au bout du dernier caillou du piton le plus
haut et le plus avancé au-dessus du noir.
Il y a du vent. C'est
fou ce que ca secoue là-haut. La robe de mes certitudes s'envole, se
soulève, laissant entrevoir l'intimité de mes émotions. Le vent finira
par me pousser dans le gouffre, il faudrait que je décide de sauter
seule... Je reste là, personnification de la trouille immobile,
fouettée par les vents. Je devrais me lever sur la pointe des pieds,
lever les bras, respirer un grand coup et plonger. Encore un courage
que je n'ai pas.
Encore un acte que je ne poserai pas. Subissant
le souffle, jusqu'à ce qu'une bourrasque plus violente que les autres
me pousse au fond du gouffre.
Je me demande combien de temps je vais tomber. Et si je serai morte avant d'attérir.