Chroniques sociales II
=> Hopital.
J'ai 21 ans, je suis en stage dans un
hôpital semi-privé. Entendez par là qu'on ne se coltine pas les gens
qui n'ont pas les sous pour payer ( sauf urgence quand-même, les
médecins ont prêté le serment d'Hypocrate). La clientèle que je vois
est donc plutôt triée sur le volet... De plus, je suis attachée à
l'assistante sociale qui se charge de la maternité et de la
périnatalité. A priori, je devrais voir des futures ou fraiches mères,
plutôt aisées, contentes de leur sort.
Et pourtant....
Un matin,
appel de l'obstétrique, une jeune fille vient d'arriver, en plein
travail. D'habitude, quand nous sommes appelées à ce stade-là, c'est
que la future mère n'a pas payé son dernier trimestre de mutuelle ou
qu'elle s'inquiète des démarches à faire pour reconnaitre l'enfant.
Rien d'alarmant donc. Quand nous descendons, nous croisons une effet
une jeune fille, littéralement emballée dans un survêtement, un pull,
une jupe, une robe, les pieds chaussés de sandales et de chaussettes.
Le tout n'est pas très propre. Elle a les cheveux très emmêlés.
Nous rencontrons l'infirmière en chef qui nous fait le topo.
Tout
juste 18 ans, rom d'origine, elle vit avec toute une communauté non
loin de là qui est bien connue ( quand ils viennent, ils n'ont pas de
couverture mutuelle mais ils payent tout en cash. Un accouchement
normal c'est plus de 3000 EUR!!). Elle est arrivée la nuit aux
urgences, avec des crampes à se tordre. Après une batterie d'examen,
l'évidence saute aux yeux. Elle n'est pas malade, elle accouche. Et si
on nous a apellée, c'est... parce qu'elle n'en sait rien.
Le médecin
veut que l'AS soit là quand il lui annoncera la nouvelle pour pouvoir
répondre à toutes les questions de procédure... L'entretien commence.
Le médecin commence par lui poser des questions censées la mettre sur
la voie. Elle y répond de bonne grâce. Elle n'a pas pris de poids ces
derniers mois. 2 ou 3 kilos mais rien de notable. Elle n'est plus
réglée mais ne s'est pas inquiétée. Quelle aubaine en fait! Elle est
vierge. Là, ca commence à se corser. Nous comprenons que la personne
qui l'accompagne et que nous prenions pour son petit copain est en fait
un cousin. Nous le faisons sortir sous prétexte d'examiner la jeune
fille.
Voyant qu'elle refuse de tirer les conclusions qui
s'imposent mais qu'elle demande avec insistante à ce qu'on la soulage,
le médecin lui assène la vérité : elle est enceinte, elle va accoucher
dans les heures qui viennent et il faudra qu'elle décide si elle veut
le garder ou pas. Là, la demoiselle qui était très embêtée de parler
devant son cousin semble soulagée. Et elle nous explique que si c'est
CA c'est pas si grave. Elle avait peur d'avoir attrapé une MST qui
aurait été vraiment déshonorante. Un bébé, c'est supportable. Bien sur,
c'est ennuyeux et elle va devoir le dire à son cousin et puis à son
père mais le père de l'enfant, qui fait partie de la communauté, va
l'épouser. Et ils élèveront leur bébé à deux, au milieu de l'immense
tripotée d'enfants que la famille élargie compte déjà.
Un peu
décontenancés, nous la laissons annoncer la nouvelle à son cousin.
L'infirmière a pour consigne de rapeller l'AS si la demoiselle a des
questions à poser.
Elle ne nous rapellera jamais.
Et la demoiselle accouchera quelques heures plus tard d'un joli bébé rose.