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Moi et autres libertés prises avec la réalité.
19 décembre 2005

L'angoisse vient de l'enfance

=> Ma psy a des méthodes étranges mais qui fonctionnent.

Mon angoisse c'est ma toupie d'enfant. Une jolie toupie fixe, avec laquelle je jouais sur le tapis. Je la vois encore très bien. Elle est montée sur sa ventouse, les dessins sont verts et bleus. J'appuye sur son axe central en tenant sa poignée rouge dans ma main droite. Je vois l'axe de fer torsadé qui monte et qui descend au rythme de mes poussées. Et j'entends son bruit, à chaque fois que la tige de métal entre dans l'objet "crr-crr-crr". Je vois son rythme saccadé.
Je suis seule. Toujours seule. Même accompagnée, je suis seule. Je joue seule, je réfléchis seule, je pense seule, je m'interroge seule. J'ai 3/4/5/6/7/8/9/10 ans et je suis seule. Ma grand-mère me garde quand ma mère travaille. Et je suis seule.

Je joue avec les boutons aussi. Je suis championne toute catégorie pour "m'occuper sagement". Je sors la boite à boutons, je les installe sur les dessins du tapis, quand je n'en ai plus pour continuer, je reprends ceux du début que je place à la fin jusqu'à avoir fait le tour de tous les putains de dessins de ce putain de tapis. De longues heures solitaires passées à classer les boutons : du plus grand au plus petit, du plus clair au plus foncé, du plus mat au plus doré, du plus grand nombre de trous au plus petit nombre de trous. Des heures infinies à jouer aux petites voitures sur les dessins de ce putain de foutu tapis. Des courses silencieuses, des bolides à trous.

J'aime jouer seule à un jeu d'aquarium. Il se joue à deux mais comme je suis seule, j'invente des règles : je dois attraper les poissons à l'aveuglette. Cette sensation de l'aimant qui saisit le poisson... la déception quand j'en saisis plusieurs. Je ne me souviens plus de la tête de ces poissons, ni même de leur couleur. Par contre je me souviens avec délice de cette sensation d'aimant qui accroche. Je la retrouve régulièrement avec les magnets du frigo ou mes écouteurs. Ce qui me fascine c'est la recherche de cette disance précise où l'aimant est attiré par le métal... Et ma quête de Graal c'est cette distance exacte, infinitésimalement précise où il ne se passe... Rien. Où l'aimant pourrait flotter dans les airs, tiraillé entre son envie de céder à la gravité et celle de se coller au frigo.

Mon angoisse c'est cette solitude accompagnée d'enfant très sage. Mon angoisse, ce sont ces gens qui sont là sans y être vraiment, qui disent des ouis qui veulent dire non. Mon angoisse, ce sont ces adultes qui ne gèrent pas mes questions d'enfant sur le pourquoi des nuages, de la mort, de la vie, du pourquoi. Mon angoisse, ce sont tous les caprices que j'ai ravalés parce que j'avais personne à qui les adresser, ces colères de gosse que j'ai mâchées jusqu'à vomir parce que personne ne pouvait les supporter. Mon angoisse, ce sont ces heures infinies avec les dessins du tapis, les boutons, les aimants.

Mon angoisse, c'est ma toupie de gosse trop seule.

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Commentaires
D
comme il est dommage qu'un jouet soit associé à de tels sentiments puisque la fonction du jouet est exactement à l'opposé, faire rêver et procurer du plaisir !<br /> Moi je cherche justement à me procurer une grosse toupie ancienne en métal comme celle que j'avais pour l'offrir à ma compagne qui en rêve parce qu'elle n'en a jamais eue.
Moi et autres libertés prises avec la réalité.
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